L'hôtel à insectes

Publié le 29 janvier 2023 - Mis à jour le 13 février 2024

Souvent installés pour favoriser les pollinisateurs et les insectes auxiliaires amateurs de pucerons, les hôtels à insectes sont de plus en plus fréquents dans les jardins, les parcs et même sur les balcons. Tout en contribuant à préserver la biodiversité en offrant un gîte à différentes espèces, ces refuges présentent un intérêt pédagogique certain car ils permettent une observation facile de la biologie de leurs occupants.

Hôtel à insectes
Hôtels à insectes, celui de gauche en cours d’aménagement.
Hôtel à insectes
Hôtel à insectes.

Dans ces structures, les pommes de pin et la paille fournissent un gîte d’hivernage aux Coccinelles, Forficules et Chrysopes dont les larves ou les adultes se régalent de pucerons.

Coccinelle à sept points
Coccinelle à sept points.
(Coccinella septempunctata ; Coleoptera Coccinellidae)
Forficule ou Perce-oreille
Forficule ou Perce-oreille.
(Forficula auricularia ; Dermaptera Forficulidae)
Chrysope verte ou Demoiselle aux yeux d'or
Chrysope verte ou Demoiselle aux yeux d’or.
(Chrysoperla carnea ; Neuroptera Chrysopidae)

Les fagots de tiges de bambou et les bûches trouées sont destinés aux pollinisateurs hors pair que sont les abeilles solitaires. Certaines d’entre elles qui ont l’habitude de nidifier dans des tiges ou dans des anfractuosités adoptent volontiers ces structures mises à leur disposition. Ce sont des espèces certes communes mais leurs modes de nidification et leurs exigences écologiques variés les rendent particulièrement intéressantes. Différents matériaux sont en effet utilisés pour l’édification des cloisons et du bouchon terminal des nids : terre, pâte végétale, fragments de feuilles et de pétales ou résine. Aussi, dans un hôtel, l’observation des bouchons des nids permet d’avoir une idée du bâtisseur, même en-dehors de sa période de vol. Voici quelques-unes de ces espèces couramment rencontrées, classées selon le matériau employé pour fermer le nid. Une première partie est consacrée aux locataires dont le nid est obturé avec de la terre. Elle est suivie d’une deuxième partie relative aux hôtes confectionnant des bouchons en matière végétale ou en d’autres matériaux. Une troisième partie présente quelques visiteurs opportunistes, parasitoïdes ou prédateurs.

NID OBTURÉ PAR UN BOUCHON EN TERRE

Un bouchon en terre est le plus souvent l’œuvre de deux abeilles solitaires dites « maçonnes », l’Osmie cornue et l’Osmie rousse, parfois aussi d’une Mégachile, la Mégachile de la Gesse. Mais il existe également chez les guêpes solitaires des « maçonnes » qui nidifient volontiers dans les tubes de bambou des hôtels à insectes, préférant généralement les tubes de petit diamètre.

Osmie cornue (Osmia cornuta)

L’Osmie cornue est l’une des espèces qui s’installe le plus fréquemment dans les hôtels. C’est aussi l’une des plus précoces, volant parfois dès le mois de février à la recherche des premières floraisons. Avec sa pilosité abondante, cette Megachilidae ressemble à un petit bourdon au thorax noir et à l’abdomen roux. La taille de la femelle varie de 12 à 14 mm. C’est une espèce monovoltine (= une seule génération) visible jusqu’à fin avril ou mai selon les régions. Les femelles possèdent une brosse à pollen ventrale de couleur rousse et sont pourvues de deux cornes sur leur face, sous les antennes, d’où le nom donné de l’espèce. Elles leur servent à malaxer et tasser le mélange de pollen et de nectar dans les cellules larvaires ainsi qu’à façonner les boulettes de terre nécessaires à la construction des cloisons et de l’opercule du nid.

Osmie cornue
Osmie cornue femelle sur une inflorescence de Saule en Février.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Osmie cornue
Osmie cornue femelle aux cornes bien visibles.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
En février et mars, les températures matinales sont souvent basses et on peut alors remarquer un curieux comportement chez les Osmies. Dans leurs nids ou à proximité, elles font vibrer leur abdomen tout en ouvrant et fermant rapidement leurs mandibules comme le montre cette vidéo. C’est vraisemblablement leur façon d’augmenter leur température corporelle afin de pouvoir s’envoler pour récolter pollen et nectar. Les Bourdons, aussi actifs à des températures basses, font vibrer leurs ailes dans le même but.
Osmie cornue
Osmie cornue mâle en cours d’émergence laissant entrevoir sa houppette blanche et ses mandibules.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Osmie cornue
Un mâle fraîchement émergé.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)

Les mâles, plus petits que les femelles, sont reconnaissables à la houppette blanche qui recouvre leur face et à leurs longues antennes. Ils émergent une quinzaine de jours avant les femelles et guettent la sortie de celles-ci afin de s’accoupler. Il n’est pas rare de voir plusieurs mâles courtiser la même femelle.

Osmie cornue
Osmie cornue mâle guettant l’émergence d’une femelle à la sortie d’un nid.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Osmie cornue
Deux mâles convoitant la même femelle.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Osmie cornue
Osmies cornues in copula.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Osmie cornue
Osmies cornues in copula.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)

Après l’accouplement, la femelle part à la recherche d’une cavité pour installer son nid. Peu exigeante, elle s’accomode de nombreuses anfractuosités : orifice dans un mur, trou d’évacuation d’eau d’une fenêtre, tuteur creux, bûche trouée ou section de tige de bambou d’un hôtel à insectes avec une préférence pour les diamètres voisins de 8 mm. Selon la profondeur de la cavité, le nid peut comporter une dizaine de loges séparées par des cloisons confectionnées avec de la terre que la femelle récolte sur des sols humides. L’épais bouchon terminal est également constitué de terre boueuse. Entre la cloison de la dernière loge construite et le bouchon terminal, la femelle laisse un espace vide appelé vestibule qui, ajouté à l’épaisseur de l’opercule, pourrait jouer le rôle d’isolant thermique. Ce « sas » protège aussi le couvain des attaques d’hyménoptères parasitoïdes en le mettant hors de portée de leur ovipositeur souvent long et capable de percer le bouchon.

Osmie cornue
Osmie cornue récoltant de la terre humide au bord d’une flaque boueuse.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Osmie cornue
Bouchon en cours de construction.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Nid Osmie cornue
Dernières finitions.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Bouchon tombé d'un nid
Tassement de la terre humide à l’aide des cornes.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Nid Osmie cornue
Nid terminé dont le bouchon encore humide porte les traces des cornes
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Bouchon tombé d'un nid
Bouchon tombé d’un nid montrant l’épaisseur du mortier.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)

Chacune des loges contient un pain de pollen, mélange de pollen et de nectar encore appelée pâtée pollinique, sur lequel est pondu un œuf. Les premières cellules construites (donc au fond du nid) abritent des œufs fécondés qui donneront des femelles alors que les cellules les plus proches du bouchon abritent des œufs non fécondés qui donneront des mâles. Le pain de pollen constitue la réserve de nourriture pour la future larve. Le pollen est récolté sur de nombreuses espèces de fleurs, l’abeille étant polylectique (= généraliste). Les arbres fruitiers de la famille des Rosacées sont particulièrement appréciés. Aussi ces Osmies précoces et actives même à des températures relativement basses (dès 12 degrés) jouent-elles un rôle de premier plan dans la pollinisation des vergers.

Osmie cornue
Femelle ayant façonné un pain de pollen.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Pain de pollen
Pain de pollen tombé d’un nid.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Après avoir butiné, la femelle entre dans la loge en cours de construction et régurgite le nectar. Elle en ressort à reculons avant d’effectuer un demi-tour et d’entrer à nouveau, cette fois-ci en marche arrière (voir la vidéo), afin de déposer le pollen retenu dans sa brosse ventrale en la faisant vibrer. Cette vidéo a été filmée avec des Osmies ayant adopté un nichoir artificiel prévu initialement pour des Mégachiles.

A l’intérieur du nid, les œufs éclosent au bout d’une semaine et les larves se nourrissent des pains de pollen. Au cours de l’été et après plusieurs mues, chaque larve tisse un cocon dans lequel elle se transforme en nymphe, puis en imago (adulte). L’imago entre alors en diapause (arrêt temporaire de l’activité et du développement) pour passer l’hiver avant d’émerger du nid au printemps suivant.

Les photos ci-dessous présentent un nichoir à Osmies qui a été ouvert. Ce type de nichoir est installé dans les vergers pour favoriser la pollinisation des arbres fruitiers notamment celle des espèces à floraison précoce. Les deux moitiés, chacune constituée d’une planchette rainurée, ont été séparées. Les 4 galeries du nichoir sont occupées par des imagos en diapause hivernale dans leurs cocons, qui n’attendent que les premiers beaux jours pour émerger.

Nichoir à Osmies
Nichoir ouvert montrant 4 nids linéaires dont les loges sont occupées par des adultes en diapause hivernale.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Crédit photo : Jean-Marc Cheyrias
Nichoir à Osmies
Gros plan sur la partie terminale des nids montrant
le vestibule et les cloisons en terre.
(Osmia cornuta ; Megachilidae)
Crédit photo : Jean-Marc Cheyrias

Osmie rousse (Osmia bicornis = Osmia rufa)

Une autre Osmie printanière mais un peu plus tardive adopte aussi volontiers les tubes de bambou des hôtels à insectes. Il s’agit de l’Osmie rousse, un peu plus petite que l’Osmie cornue et reconnaissable à son abdomen roux et noir. Les femelles sont elles aussi pourvues de deux cornes sur leur front. La biologie de cette espèce polylectique particulièrement abondante en avril-mai est comparable à celle de l’Osmie cornue.

Osmie rousse
Osmie rousse femelle à l’abdomen roux et noir.
(Osmia bicornis ; Megachilidae)
Osmie rousse
Osmie rousse femelle à la brosse ventrale rousse.
(Osmia bicornis ; Megachilidae)

Les mâles plus précoces et plus petits que les femelles se reconnaissent à leur face ornée d’une houppette blanche et à leurs longues antennes.

Osmie rousse
Mâle à la face couverte d’une houppette blanche.
(Osmia bicornis ; Megachilidae)
Osmie rousse
Osmies rousses in copula.
(Osmia bicornis ; Megachilidae)

Comme chez l’Osmie cornue, la femelle d’Osmie rousse récolte de la terre boueuse qu’elle transporte avec ses mandibules et façonne à l’aide de ses cornes. Elle privilégie pour son nid les tiges creuses de bambou de 6 à 7 mm de diamètre.

Osmie rousse
Femelle récoltant de la terre boueuse.
(Osmia bicornis ; Megachilidae)
Osmie rousse
Nids d’Osmie rousse.
(Osmia bicornis ; Megachilidae)

Mégachile de la Gesse (Megachile ericetorum)

Une Mégachile estivale s’installe aussi parfois dans les gîtes à abeilles. Il s’agit de la Mégachile de la Gesse dont le nom provient de son affinité pour les plantes de la famille des Fabacées, en particulier les Gesses. Cette abeille de 13 à 15 mm nidifie dans toutes sortes de cavités dont les tiges de bambou creuses des hôtels. Elle vole en une seule génération de la mi-juin à la fin juillet. Comme chez les Osmies maçonnes, le nid est obturé et cloisonné avec de la terre mais l’intérieur de chaque cellule est tapissé d’une couche de résine.

Mégachile de la Gesse
Mégachile de la Gesse femelle butinant sur une Gesse à larges feuilles.
(Megachile ericetorum ; Megachilidae)
Mégachile de la Gesse
Mâle butinant sur une Gesse à larges feuilles.
(Megachile ericetorum ; Megachilidae)

Guêpes solitaires maçonnes (Ancistrocerus sp., Symmorphus sp.)

Ces abeilles solitaires ne sont pas les seules à utiliser de la terre pour obturer leur nid. C’est aussi le cas de certaines guêpes comme les Ancistrocerus et les Symmorphus dont les espèces sont difficiles à identifier sur photos. Ces guêpes solitaires et non-agressives de la sous-famille des Eumeninae nidifient habituellement dans différentes cavités (tiges et rameaux de végétaux secs, bois mort, anciennes galeries d’insectes xylophages …) et il n’est pas rare de les voir s’installer dans les hôtels à insectes. Elles construisent leur nid selon le même schéma que les Osmies, séparant les cellules larvaires par une cloison de terre boueuse. Si les adultes floricoles butinent sur diverses espèces végétales, les larves sont quant à elles carnivores. Aussi le nid n’est pas approvisionné en pollen et nectar comme chez les abeilles solitaires mais en larves d’insectes. Dans le cas des Ancistrocerus, ces larves sont de petites chenilles (plusieurs dizaines par nid) que la femelle paralyse préalablement avec son aiguillon afin de les maintenir fraîches jusqu’à l’éclosion de ses œufs. Les chenilles des Tordeuses sont particulièrement appréciées ce qui vaudra sûrement à ces guêpes la sympathie des jardiniers.

Guêpe maçonne
Guêpe maçonne femelle.
(Ancistrocerus sp. ; Vespidae)
Guêpe maçonne
Femelle approvisionnant son nid avec une chenille que l’on peut distinguer sous son abdomen.
(Ancistrocerus sp. ; Vespidae)
Nid de guêpe maçonne
Confection du bouchon terminal.
(Ancistrocerus sp. ; Vespidae)
Nid de guêpe maçonne
Nid terminé au bouchon encore humide.
(Ancistrocerus sp. ; Vespidae)

Les Symmorphus préfèrent approvisionner leur nid avec des larves de Chrysomèles, petits Coléoptères phytophages pouvant occasionner des dégâts dans les jardins et les potagers. En limitant la présence de ces insectes indésirables, les Symmorphus sont donc aussi des alliés des jardiniers.

Nid de guêpe maçonne
Femelle de Symmorphus.
(Symmorphus sp. ; Vespidae)
Crédit photo : Jean-Pierre Moussus
Nid de guêpe maçonne
Femelle de Symmorphus.
(Symmorphus sp. ; Vespidae)
Crédit photo : Jean-Pierre Moussus