Méli-mélo
Le 30 juillet 2024
Une guêpe chalcidoïde : Leucospis dorsigera
De même que le mot « abeille » désigne en France près d’un millier d’espèces, le terme « guêpe » regroupe une multitude de taxons d’une étonnante diversité. Si les plus connues sont les guêpes sociales, trouble-fêtes des repas estivaux à la piqûre douloureuse, beaucoup sont solitaires et ne possèdent pas de dard. C’est le cas des guêpes chalcidoïdes, de petites guêpes parasites discrètes, d’observation souvent difficile. L’une des plus étranges pour son comportement de ponte est Leucospis dorsigera, guêpe noire et jaune plutôt trapue, d’environ 1 cm, appartenant à la famille des Leucospidae.
Cette espèce parasite principalement les nids d’abeilles de la famille des Megachilidae. L’ovipositeur de la femelle, replié au repos dans une gouttière dorsale, est capable de transpercer les parois en bois des nids ou les opercules en mortier par un curieux mécanisme impliquant une dislocation des segments de l’abdomen.
La larve de la guêpe se nourrira de la larve de l’abeille, ne laissant de son hôte qu’une carcasse vide. Pour en savoir plus, voir l’article consacré aux Hériades résinières et leurs parasitoïdes.
Le film suivant montre la guêpe en action.
Parcourant le bambou en le tapotant à l’aide de ses antennes pour repérer les indices olfactifs qui émanent du nid sous-jacent, la femelle décèle de fines fissures plus ou moins profondes au-dessus des loges occupées par la progéniture de l’abeille. L’ovipositeur est dégainé. Le 1er et le 2e segments abdominaux s’entrouvrent, laissant apparaître la base de l’ovipositeur protégée par une fine membrane. Avec de petites trépidations, la guêpe enfonce son ovipositeur dans l’épaisseur du bambou jusqu’à atteindre une cellule larvaire d’Hériade dans laquelle elle dépose un oeuf.
Le 16 juin 2024
Lézard vert occidental (Lacerta bilineata)
Deuxième plus grand lézard de France après le Lézard ocellé, le Lézard vert occidental ou Lézard à deux raies peut atteindre 35 cm de long, parfois plus. Farouche, il se laisse difficilement approcher et c’est surtout par le bruit de sa fuite dans les broussailles que l’on repère sa présence. C’est un animal ectotherme : sa température corporelle varie en fonction de celle de son environnement et détermine son rythme d’activité (avec un seuil minimal de 15°C et un optimum de 33°C). Aussi s’expose-t-il de longs moments au soleil matinal afin d’atteindre une température interne suffisante. Lors de la saison froide, cette espèce hiverne (d’octobre à mars/avril), cachée dans un abri (terrier de rongeur, sous une pierre, une souche...).
En période de reproduction, la gorge des mâles se pare d’une magnifique coloration bleue souvent qualifiée de turquoise quoique plus proche de celle d’un lapis-lazuli chez ce mâle. Celui-ci se chauffait au soleil matinal, en lisière d’une forêt dont les fourrés assurent une cachette efficace en cas de danger, tout en fournissant les lombrics, cloportes, araignées, coléoptères ainsi que les baies qui figurent à son menu.
Le Faucon crécerelle, le Circaète, la Couleuvre verte et jaune, la Vipère aspic, le Renard roux, la Martre, la Fouine, la Belette et le chat, sauvage ou domestique, font partie des nombreux prédateurs du Lézard vert. En cas d’attaque, celui-ci pratique l’autotomie, une stratégie de survie qui consiste en une mutilation d’une partie du corps afin d’échapper à un prédateur. Il s’agit dans son cas de la queue qu’il abandonne en guise de leurre. Celle-ci continue à bouger et mobilise l’attention du prédateur pendant qu’il prend la fuite. Aussi, il n’est pas rare de croiser des Lézards verts dépourvus de queue. Celle-ci se régénère mais cette capacité diminue avec le nombre de repousses. Le Lézard vert est une espèce protégée en France.
Le 4 avril 2024
Nivéole de Fabre (Acis fabrei)
La Nivéole de Fabre est une proche parente du Perce-neige. Comme ce dernier, elle appartient à la famille des Amaryllidacées. Mais si le Perce-neige est connu de tous, rares sont ceux qui ont eu la chance d’observer la Nivéole de Fabre. Et pour cause ! Celle-ci est une endémique stricte du Vaucluse, plus précisément de la partie centrale de la Nesque. Elle ne se rencontre qu’en de rares stations du piémont méridional du Ventoux et du versant septentrional des Monts de Vaucluse. Sa petite taille (une dizaine de cm) et sa courte floraison (une semaine) la rendent particulièrement discrète dans les pelouses rocailleuses qu’elle affectionne.
Découverte en 1882 sur le Ventoux, cette petite plante bulbeuse à feuilles fines et à fleurs pendantes n’a été formellement décrite qu’en 1990 par P. Quézel et B. Girerd qui l’ont dédiée à J.H. Fabre. La fleur présente 6 tépales blancs, 3 internes et 3 externes, entourant 6 étamines à filets courts dépassées par le style.
Le fruit est une capsule à 3 loges contenant des graines en nombre variable. La pérennité de l’espèce est aussi assurée par la multiplication végétative. Comme chez de nombreuses plantes méditerranéennes, les parties aériennes de la Nivéole se dessèchent et disparaissent pendant l’été. Inscrite comme vulnérable sur la Liste rouge des espèces menacées en France, l’espèce est protégée en région PACA.
Le 9 février 2024
Galérucelle du Gaillet (Sermylassa halensis)
La Galérucelle du Gaillet est un petit Coléoptère d’environ 6 mm appartenant à la famille des Chrysomelidae et à la sous-famille des Galerucinae. Cette Chrysomèle est commune dans toute la France. Larves et adultes se nourrissent sur divers Gaillets, principalement le Gaillet commun ou Caille-lait blanc (Galium mollugo) mais aussi le Gaillet blanc (G. album), le Gaillet des rochers (G. saxatile), le Gaillet jaune (G. verum) et le Gaillet gratteron (G. aparine). Les élytres d’un vert ou d’un bleu métallique sont densément ponctués. La tête marron clair est ornée d’une tache sombre sur le dessus. Les antennes ainsi que les tarses sont noirs.
Les adultes sont visibles de juillet à octobre avec un pic d’abondance en août et septembre. Après l’accouplement, les œufs sont pondus dans le sol au pied d’un Gaillet où ils vont passer l’hiver. Certains adultes pourraient aussi hiverner dans les régions au climat doux. Au printemps, les œufs donnent naissance à des larves qui s’alimentent activement sur le feuillage. Après 3 stades larvaires, les larves se nymphosent et une nouvelle génération d’adultes émerge en juillet.
Le 9 décembre 2023
Fraxinelle (Dictamnus albus)
La Fraxinelle fait partie des plus belles espèces que compte la flore de l’Hexagone. Avec son mètre de haut et ses fleurs spectaculaires de 4 à 5 cm, la plante ne passe pas inaperçue dans les chênaies blanches et les lisières forestières qu’elle affectionne. Ses feuilles aux nombreuses folioles rappellent celle du Frêne, Fraxinus en latin, d’où le nom vernaculaire donné à l’espèce. Particulièrement rare, elle bénéficie d’une protection en PACA, Alsace, Bourgogne et Rhône-Alpes.
Elle appartient à l’odorante famille des Rutacées qui regroupe les agrumes aux arômes connus de tous mais aussi les Rues (genre Ruta), des plantes toxiques à l’odeur forte et désagréable. Chez la Fraxinelle, toute la plante est couverte de poils glanduleux, poches à essence qui dégagent une délicieuse odeur de cannelle et de citron. Par forte chaleur, cette essence volatile serait susceptible de s’enflammer d’où le nom de Buisson ardent parfois donné à cette espèce. Cette essence est photosensibilisante et peut provoquer des allergies.
La fleur irrégulière possède cinq pétales dont quatre sont dirigés vers le haut, le cinquième vers le bas. Ces pétales d’un blanc rosé sont parcourus par des veines pourpres convergeant vers leur base qui guident les insectes pollinisateurs vers le nectar. Le faisceau des dix étamines aux longs filets glanduleux tient lieu de piste d’atterrissage. Seuls des butineurs comme les Xylocopes ou les Bourdons ont une taille suffisante pour atteindre les anthères et se charger en pollen lors de leurs visites. Les autres de taille plus modeste comme ce petit mâle de Mégachile volent le nectar sans polliniser la fleur. Le fruit est une capsule à cinq loges, couverte de glandes, dont la forme évoque un fruit d’Anis étoilé.
Le 26 septembre 2023
Leste vert (Chalcolestes viridis)
Le Leste vert est l’une de nos espèces de libellules les plus tardives, encore actif en octobre et souvent jusqu’à fin novembre. Son corps vert vif métallique présente des reflets cuivrés en fin de saison. Ce Leste affectionne les eaux stagnantes ou à faible débit bordées d’arbres ou d’arbustes nécessaires à la ponte et à la maturation des adultes particulièrement longue (3 mois) chez cette espèce. Il vole en une seule génération.
C’est le plus grand de nos Lestes (4 à 5 cm de long). Comme chez tous les Lestes, les ailes sont pédonculées et maintenues écartées obliquement vers l’arrière au repos. Il se distingue des autres espèces par une longue pointe saillante ornant les côtés du thorax.
Le Leste vert est la seule de nos libellules à pondre sous l’écorce des branches et rameaux des arbres et arbustes à bois tendre surplombant les plans d’eau, souvent des saules, des aulnes ou des peupliers. Seule ou en tandem avec le mâle, la femelle pratique des incisions dans l’écorce avant d’insérer ses œufs. Les cicatrices de ponte restent visibles sur l’écorce. Les oeufs passent l’hiver cachés sous l’écorce puis donnent naissance, au printemps suivant, à des larves qui se laissent tomber dans l’eau pour poursuivre leur développement en milieu aquatique durant 3 à 4 mois. Un entretien excessif de la végétation des berges peut compromettre la reproduction de l’espèce en éliminant les sites de ponte.
Le 17 août 2023
Guêpe Masarine (Celonites abbreviatus)
Les guêpes sont rarement les bienvenues au jardin surtout lorsqu’elles s’invitent au barbecue dominical, cherchant à chaparder un morceau de viande afin de nourrir leurs larves carnivores. Pas de risque avec les Masarines, des guêpes intéressées uniquement par le pollen et le nectar des fleurs. Elles sont apparues au Crétacé, il y a environ 115 millions d’années, peu après les abeilles. Comme ces dernières, elles nourrissent leurs larves avec un mélange de pollen et de nectar.
Avec leurs antennes en massue, les Masarines pourraient être confondues avec certains Symphytes, les plus anciens Hyménoptères. Mais leurs ailes repliées le long du corps et non sur le dos ainsi que leur taille fine les distinguent de ceux-ci. Celonites abbreviatus est une petite guêpe Masarine d’environ 6 mm appréciant les régions méditerranéennes chaudes et sèches. Elle vole en France en une seule génération de fin mai à fin septembre.
La femelle collecte le pollen et le nectar uniquement sur les Lamiacées, ici un Nepeta faassenii horticole du jardin. Sa face est ornée de soies qu’elle frotte sur les anthères pour récolter le pollen (photo de gauche). Puis les pattes antérieures balaient la face (flèche sur la photo de droite) pour amener le pollen jusqu’à la bouche. Pollen et nectar sont stockés dans le jabot avant d’être régurgités dans les cellules du nid où ils constitueront la réserve de nourriture pour les larves. Le nid construit en terre argileuse humidifiée est souvent fixé sur des pierres. Le comportement de cette guêpe n’est pas sans rappeler celui des abeilles solitaires maçonnes.
Le 30 mars 2023
Empuse pennée (Empusa pennata)
Avec son allure de gargouille de cathédrale, cette larve d’Empuse pennée (Empusa pennata) pourrait facilement figurer parmi les créatures fantastiques d’un bestiaire médiéval.
Seule représentante en France de la famille des Empusidae (ordre des Mantodea) cette proche cousine de la Mante religieuse (Mantis religiosa) se distingue de cette dernière par sa tête surmontée d’une protubérance conique et son premier segment thoracique particulièrement long (chez les larves comme chez les adultes). Contrairement à la Mante, les œufs de l’Empuse éclosent peu après la ponte estivale et c’est sous forme de juvéniles au curieux abdomen recourbé, les « diablotins » que l’espèce passe la mauvaise saison.
Même si les diablotins sont des juvéniles et n’ont donc pas encore développé les caractères sexuels des adultes, le mâle et la femelle peuvent être différenciés par la forme des antennes, épaisses chez le mâle et très fines chez la femelle.
Hôtes des garrigues méditerranéennes, les diablotins passent souvent inaperçus, camouflés dans la végétation où ils peuvent rester de longs moments immobiles. Ils chassent en effet à l’affût divers insectes qu’ils capturent à l’aide de leurs pattes antérieures ravisseuses hérissées de redoutables épines. S’ils vivent au ralenti pendant les mois d’hiver, les diablotins s’alimentent activement dès les premiers beaux jours et deviennent adultes à partir du mois de mai.